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Est-il vrai qu’il faudrait 7000 éoliennes pour remplacer Fessenheim ?

 3 months ago
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Est-il vrai qu’il faudrait 7000 éoliennes pour remplacer Fessenheim ?

Les calculs varient selon que l'on compare la puissance disponible ou la production d'énergie.

Une ferme éolienne le 6 mars 2018 à Plomodiern en Bretagne (ouest de la France) (Photo LOIC VENANCE. AFP)

par Pauline Moullot

publié le 7 juin 2018 à 12h24

Question posée par Chloé le 04/06/2018

Bonjour,

Plusieurs chiffres circulent sur le nombre d’éoliennes qui seraient nécessaires pour compenser la production d’électricité de la centrale de Fessenheim, dont la fermeture pourrait être repoussée à l’été 2019. La semaine dernière, lors d’un débat sur la transition énergétique organisé à Bordeaux, le compte twitter du Monde Le Monde Smart Cities a relayé du délégué régional d’EDF en Nouvelle-Aquitaine:

Tweet corrigé ensuite par le fournisseur d’électricité, qui soutient que son délégué régional parlait en fait de la centrale du Blayais, située à 60 km de Bordeaux.

Entre-temps, Paul Neau, membre de l’association NegaWatt, a fait son propre calcul pour contrecarrer celui du délégué régional d’EDF, et en conclut, avec un résultat diamétralement opposé, que seules 900 éoliennes terrestres seraient nécessaires pour compenser la fermeture (de Fessenheim, et non du Blayais).

En fait, les deux parties s'appuient sur des éléments différents pour effectuer leur comparaison. EDF compare la puissance disponible du nucléaire avec les éoliennes, et Paul Neau compare la production d'énergie. «Les résultats diffèrent selon que l'on parle de production ou de puissance disponible», explique Cédric Philibert, de la branche énergies renouvelables de l'agence internationale de l'énergie (AEI).

Que produisent les éoliennes?

Calculons d’abord combien d’éoliennes seraient nécessaires pour remplacer les centrales de Fessenheim ou du Blayais (selon les deux exemples ci-dessus), en nous concentrant sur l’énergie produite par les deux types d’installation sur une année.

Les 6500 éoliennes installées en France ont une capacité totale de puissance de 13,559 gigaWatts (GW). Arrondissons ce chiffre à 13.

Selon le panorama de l’électricité renouvelable, 24 térawattheures (TWh) d’énergie ont été produits par ces éoliennes en 2017, soit 24 000 gigawattheures (GWh).

Le rapprochement de ces chiffres (la puissance théorique et la production) permet de voir que les éoliennes, évidemment, ne fonctionnent pas en permanence. En divisant la production totale annuelle (24000 GWh) par la capacité (13GW), on arrive à un fonctionnement moyen du parc de 1846 heures en équivalent heures pleines dans l’année. Si on compare cela au total des heures dans une année (8760), on pourrait résumer en disant que les éoliennes ne fonctionnent à plein que 21% du temps. Dans le jargon, on dira que le facteur de capacité est de 21%.

Combien d’éoliennes seraient nécessaires pour compenser la production électrique de Fessenheim?

La centrale la plus vieille de France dispose de deux réacteurs de 900 MW chacun. Théoriquement, elle a donc une puissance de 1800 MW. Mais comme les éoliennes, une centrale ne produit pas à 100% tout le temps. «Le parc nucléaire français a produit 379,1 TWh en 2017, pour une capacité de 63 GW. Les centrales ont donc fonctionné en moyenne 6005 heures en équivalent heures pleines, un facteur de capacité de 69%», nuance Cédric Philibert. Ainsi, la centrale de Fessenheim a produit ces dernières années 10,8 TWh.

Pour calculer le nombre d’éoliennes nécessaires pour compenser cette production, il faut d’abord savoir de quelles éoliennes on parle. Les éoliennes ont en effet une puissance variable. Selon EDF, les éoliennes ont une puissance moyenne de 3MW. Retenons cette valeur. Il faut aussi tenir compte du facteur de capacité de 21% obtenu ci-dessus. En partant de ces données, on aboutit à ce résultat : il faudrait 1951 éoliennes (ayant une puissance de 3MW, et fonctionnant à plein 21% du temps) pour produire en une année autant d’énergie que la centrale (10,8 TWh).

On arrive ainsi à un nombre d’éoliennes deux fois plus important que ce que disait Paul Neau. Explication : ce dernier a basé ses calculs sur la seule année 2017, pendant laquelle la centrale a produit seulement 5,7 TWh, soit presque deux fois mois que sa production moyenne des dernières années. C’est ainsi qu’on arrive (presque) à son chiffre de 900 éoliennes.

Paul Neau précise même dans son tweet que si on prend des éoliennes offshore, dont le facteur de capacité et la puissance sont plus importants que les éoliennes terrestres (40% et 6MW), les données changent. Il ne faudrait plus «que» 514 éoliennes offshore pour compenser pour compenser les 10,8 TWh habituellement produits par Fessenheim, et 271 pour compenser les 5,7 TWh produits en 2017. Notons toutefois qu’il n’existe pas encore d’éolienne offshore, les premières devant être installées à Saint-Nazaire.

En revanche, ces calculs ne valent plus si on parle du Blayais comme l’avait corrigé EDF. La centrale a en effet une puissance deux fois plus importante que celle de Fessenheim, puisqu’elle dispose de 4 réacteurs de 900 MW chacun. Sa production en 2016 était de 24TWh. Pour la compenser, il faudrait cette fois 4333 éoliennes terrestres ayant une puissance de 3MWh. Même là, on est loin des 7000 évoqués par EDF.

Comparaison par puissance disponible

EDF est en revanche moins dans l’erreur si on regarde un autre indicateur, celui de la puissance disponible – et en particulier de la puissance disponible aux heures de pointe. Dans le jargon, on appelle cela le «crédit de capacité», qui correspond à la «puissance ferme» (appelable à volonté) que peut remplacer une installation renouvelable nouvelle sans risque de défaillance du réseau.

Ce «crédit de capacité» est calculé en prenant notamment en compte le caractère aléatoire de l’éolien, mais aussi sa flexibilité (une éolienne est moins rigide à remettre en route qu’une centrale, que l’on n’arrête pas du jour au lendemain).

Or, on considère que le crédit de capacité (qui diminue au fur et à mesure du taux de pénétration de l’éolien) est de 10%. Ce qui signifie que 3MW d’éolien permettent de remplacer seulement 300kW de puissance ferme.

On estime, par comparaison, que le crédit de capacité du nucléaire est autour de 70%, explique Cédric Philibert.

Pour remplacer une centrale de 1800 MW fonctionnant «normalement», en tenant compte des crédits de capacité respectifs de l’éolien et du nucléaire, il faudrait un peu plus de 4000 éoliennes d’une puissance moyenne (3MW).

En résumé, les partisans du renouvelable choisissent d'effectuer la comparaison en regardant la production des éoliennes et des centrales, alors que les autres choisissent de comparer la puissance disponible.

Cordialement


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